Coulée verte René Dumont, Paris

La coulée verte René-Dumont (promenade plantée de Paris)

La promenade plantée de Paris (appelée désormais la Coulée verte René-Dumont, en hommage à l’agronome français éponyme) parcourt le XIIe arrondissement sur un linéaire d’environ 4500 mètres, en utilisant les emprises d’une ancienne ligne de chemin de fer.

Une telle réalisation, unique en Europe, a nécessité de nombreuses années de discussions, d’études et de chantiers.

Crédits et noms des intervenants

  • Études d’urbanisme : Atelier Parisien d’Urbanisme (A.P.U.R)
  • Coordination générale : Direction de l’Aménagement Urbain
  • Maîtres d’ouvrage : Ville de Paris ; Direction des parcs, jardins et espaces verts (promenade) ; Société d’économie mixte d’équipement et d’aménagement de l’Est de Paris (viaduc, aménagement des voûtes, Z.A.C de Reuilly)
  • Maîtres d’œuvre : Philippe Mathieux, architecte, et Jacques Vergely, paysagiste ; Andréas Christo-Foroux, architecte (jardin Hector Malot) ; Patrick Berger, architecte (viaduc, escaliers d’accès à la promenade) ; Pierre Colloc, architecte (jardin de Reuilly) ; Vladimir Mitronoff, architecte (logements et commerces entre les rues de Rambouillet et de Charenton).

Genèse du projet

En 1853, une concession est accordée à la société privée de chemin de fer Paris-Strasbourg, afin de réaliser une ligne de transports en commun ayant son terminus place de la Bastille. Un tel projet a nécessité, selon les reliefs des sites traversés, de creuser dans le sol de la ville ou au contraire, de construire des ouvrages sur terre-plein ou en viaduc (la plate-forme ferroviaire devant être presque horizontale). Inaugurée en 1859, la ligne est désaffectée un siècle plus tard, n’ayant pu résister à la concurrence du RER A qui utilise, en dehors de Paris, le même tracé.

Dans les années 1970, l’Atelier Parisien d’Urbanisme (A.P.U.R) est chargé de réfléchir au devenir de la gare et du viaduc de la Bastille. Sur le site de la gare, reconvertie temporairement en salle d’expositions, il est proposé de réaliser un nouveau front bâti de logements et de commerces. En ce qui concerne la Viaduc, deux hypothèses sont envisagées :

  • L’aménagement d’une promenade piétonne sur l’ouvrage ainsi que la réalisation de plusieurs ensembles de parcelles occupées par des bâtiments vétustes
  • La destruction du viaduc afin de réaliser une continuité bâtie, en alignement sur l’avenue Daumesnil.

Cette seconde hypothèse est très vite apparue comme irréaliste. En effet, à proximité immédiate du viaduc, la présence de nombreux immeubles en bon état avec des vues principales côté ouvrage ne permettait pas de redonner une cohérence pour une nouvelle façade sur l’avenue, mais conduisait à la création d’une succession de retraits peu valorisants pour le paysage.  À l’inverse, l’ouvrage préservé et restauré pouvait créer une façade de qualité tout en accueillant des activités propres à offrir une nouvelle activité pour l’avenue Daumesnil.

En 1982, l’État choisit la place de la Bastille pour l’implantation d’un nouvel opéra (l’opéra Bastille). En 1983, la réalisation de la promenade plantée figure parmi les projets majeurs dans le cadre de la mise en valeur des quartiers de l’est parisien. En 1987, le conseil de Paris approuve les principes d’aménagement de la promenade et décide l’acquisition des emprises SNCF de la ligne désaffectée. Un an plus tard, les travaux peuvent commencer le long de la rue du Sahel.

Certains, heureusement minoritaires, ont pendant longtemps affirmé que le viaduc ne présentait aucun intérêt architectural et qu’une promenade à neuf mètres de hauteur au-dessus du niveau de la ville était une véritable aberration, avec pour conséquences des dépenses inconsidérées au vu des résultats espérés. La forte fréquentation de la promenade plantée et le succès du viaduc des Arts sont les plus évidentes réponses aux sceptiques d’hier.

Les différentes séquences de la coulée verte (promenade plantée)

Tout au long de son parcours au travers du XIIe arrondissement, la coulée verte emprunte des sites très différents, tantôt au-dessus du niveau de la ville, de niveau ou en-dessous. Malgré ces diversités, il a paru important de rechercher des éléments d’unité afin que ce mince « fil vert » forme un ensemble, plutôt qu’une succession de jardins mis bout à bout. C’est ainsi qu’il a été retenu : un sol clair pour les piétons, sombre pour les cyclistes ; des cheminements limités par une même bordure de béton blanc ; et un mobilier spécifique dessiné pour la promenade (bancs et candélabres).

Le viaduc

L’étroitesse de la plate-forme (9 mètres) a conduit à retenir un projet d’aménagement très simple sous la forme d’une allée centrale, ponctuée par des tilleuls plantés à chaque pied droit de voûte, là où l’épaisseur de terre est la plus importante (2 mètres).

Pour les promeneurs empruntant les trottoirs de l’avenue Daumesnil, cette plantation accompagne et renforce l’architecture du viaduc.

Des lieux particuliers, « les jardins clos », situés à espacements réguliers, ont été aménagés. Ces enclos, que l’on découvre en franchissant une porte végétale, sont dessinés selon un tracé identique mais avec des thèmes différents : le jardin des haies taillées ; le jardin blanc ; le jardin de treillage ; les colonnes de roses…

Plusieurs accès à la promenade ont été réalisés dans les culées des ponts Ledru Rollin et Diderot, ainsi qu’à partir du jardin Hector Malot. Au droit de ce jardin, un ascenseur a été érigé pour permettre l’accès à la promenade aux personnes à mobilité réduite.

Les ponts Ledru Rollin et Diderot

Un travail complexe d’aménagement des ponts a été effectué. Ceux-ci étaient constitués d’une triple structure porteuse longitudinale, avec une poutre centrale en surélévation d’un mètre vis-à-vis du ballast. Cette poutre métallique a été renforcée par des structures latérales puis arasée afin d’éviter que la promenade ne soit divisée en deux parties.

L’aménagement se limite à la pose d’un platelage en bois (AZOBE) et des jardinières régulièrement espacées.

L’ancien remblai : Rambouillet – Charenton

Entre les rues de Rambouillet et Charenton, la plate-forme ferroviaire était aménagée sur un remblai de terre, en talus côté faubourg Saint-Antoine, retenu par un haut mur en meulière sur l’avenue Daumesnil. Il en résultait pour les passants une séquence particulièrement austère sur un linéaire d’environ 350 mètres.

Pour y remédier, il a été décidé de supprimer le remblai pour le remplacer par un bâtiment, voué à des activités commerciales, de même hauteur afin de permettre le passage de la promenade.

Deux « immeubles portes » occupés par des logements, bâtis à chaque extrémité, marquent cette séquence. L’aménagement consiste surtout en la réalisation d’un long miroir d’eau entouré de lavandes ponctuées de rosiers blancs.

La traversée de Reuilly

Dans cette séquence, la promenade rejoint le niveau de la ville. Après avoir franchi par une passerelle le jardin de Reuilly, elle se poursuit vers l’est, sur l’allée Vivaldi, sous la forme d’un mail planté limité par des haies taillées et d’une plate-bande gazonnée en partie centrale.

La tranchée : Reuilly – rue de Toul

La plate-forme ferroviaire a été creusée dans le relief de la ville. Il s’ensuit un paysage de tranchée limitée par des talus plantés de végétaux adaptés pour la bonne maintenance des terres.

Le parti pris retenu a consisté à préserver cette végétation existante afin de conserver ce « paysage naturel », rare dans une cité dense comme Paris. Des engravures dans les talus ont été aménagées afin de réaliser des accès de repos.

La largeur de la plate-forme a permis de réaliser sur cet itinéraire une piste cyclable en complément du cheminement piéton.

Au niveau de la ville – de la rue de Toul à l’avenue Michel Bizot

Cette séquence de la promenade est particulière dans la mesure où elle se divise, au niveau de la rue de Toul, en deux cheminements. Le principal, qui suit le niveau de Sahel pour les piétons et les cyclistes, et le secondaire, réservé aux piétons, qui utilise un raccordement désaffecté de la ligne S.N.C.F (lequel permettait une liaison entre la petite ceinture et la gare de Reuilly).

Au droit du pont qui enjambe l’avenue Michel Bizot, ce raccordement présente une différence de niveaux d’environ sept mètres vis-à-vis de la rue du Sahel. Entre ces deux niveaux de promenade, un petit square a été aménagé. Il utilise une écriture très classique : haies taillées, longue perspective et une « folie » en fond de séquence sous la forme d’un kiosque végétal.

La tranchée avenue Émile Laurent

Dans cette dernière séquence de la promenade avant le périphérique, le parti retenu consiste à préserver et renforcer la végétation naturelle existante sur les talus. En fond de perspective, une sorte de « folie » sous la forme d’un escalier de métal qui monte vers le ciel a été réalisée. Reliée à l’ouvrage, une passerelle permet de rejoindre le niveau de la ville.

Côté sud, un cheminement emprunte la rue Édouard Lartet puis le boulevard de la Guyane jusqu’au bois de Vincennes.

Un autre regard sur la ville

La coulée verte René Dumont, c’est aussi une autre façon de regarder la ville ou de l’oublier. Sur le viaduc, le promeneur découvre, sur l’arrière, les cours, souvent pavées, d’un quartier de faubourg, des immeubles sans prétention avec leurs silhouettes de toitures et les antennes de télévision accrochées sur les cheminées.

Au droit des ponts, les regards s’échappent vers le lointain.

Dans les tranchées, la ville s’efface et le silence donne l’impression d’être ailleurs, loin des tumultes de l’agitation urbaine.

Influences

La High-Line, appelée aussi High-Line Park, est un parc linéaire suspendu à Manhattan (New York), aménagé sur d’anciennes voies ferrées aériennes. Les concepteurs du parc, créé en 2009, se sont inspirés de la promenade plantée/coulée verte de Paris, qu’ils ont visitée dans les années 90 (lire l’article High Line, sur Wikipédia).

Ils parlent de la coulée verte René Dumont

Perspective originale de la coulée verte

Voici une perspective originale de la coulée verte René Dumont (promenade plantée de Paris), dessinée à l’époque de sa conception.

Perspective coulée verte René-Dumont (promenade plantée)

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